Comprendre la vie c’est nous comprendre nous-mêmes, et voilà le commencement et la fin de l’éducation. L’un de nos problèmes les plus difficiles concerne ce qu’on appelle la discipline, et c’est une question vraiment très complexe. En fait, la société s’estime en droit de contrôler ou de discipliner le citoyen. De façonner son esprit en fonction de certains critères religieux, sociaux, moraux et économiques. Mais la discipline est-elle vraiment nécessaire? Soyez très attentifs, ne dites pas tout de suite « oui » ou « non ». Nous avons généralement le sentiment, surtout quand nous sommes jeunes, qu’il ne devrait pas y avoir de discipline. Que l’on devrait pouvoir agir à sa guise. Et nous croyons que c’est cela, la liberté. Mais se contenter de dire que la discipline est indispensable, ou superflue, que nous devrions être libres, et ainsi de suite, n’a guère de sens si l’on ne comprend pas tous les aspects du problème de la discipline. L’athlète motivé se soumet constamment à une discipline, n’est-ce pas? Sa joie de participer aux compétitions et la nécessité même d’être en forme font qu’il se couche tôt, qu’il s’abstient de fumer, qu’il se nourrit correctement, et qu’en général il observe les règles indispensables à une bonne santé. Sa discipline n’est ni imposée ni conflictuelle, elle est le résultat naturel du plaisir qu’il prend à faire de l’athlétisme. La discipline augmente-t-elle ou diminue-t-elle l’énergie humaine? Un conflit, quelque soit sa forme et à quelque profondeur de notre être qu’il se trouve, est une perte d’énergie. Les êtres humains, dans le monde entier, au sein de chaque religion, de chaque école philosophique, imposent une discipline à l’esprit, ce qui sous-entend un contrôle, une résistance, une adaptation et un refoulement mais tout cela est-il vraiment nécessaire? Si la discipline fait croître l’énergie humaine, alors elle est valable, elle a un sens ; mais si elle ne fait que brider cette énergie, elle est très nocive, très destructrice. Nous avons tous de l’énergie, la question est de savoir si cette énergie peut, grâce à la discipline, devenir source de vie, de richesse et d’abondance, ou si la discipline détruit l’énergie que nous sommes susceptibles d’avoir. Je crois que là est le cœur du problème. Nombre d’êtres humains n’ont pas énormément d’énergie, et le peu qu’ils en ont ne tarde pas à être étouffé et détruit par les pressions, les menaces et les tabous de la société qui est la leur, et de sa prétendue éducation. Les citoyens de cette société tels qu’ils le deviennent sont donc voués à l’inertie et à l’imitation. La discipline donne-t-elle une énergie accrue à celui qui dès l’origine en a déjà un peu plus que la moyenne? Cela donne-t-il à sa vie richesse et vitalité? Quand on est très jeune comme vous l’êtes tous , on déborde d’énergie, n’est-ce pas? On a envie de jouer, de bouger, de parler, on ne peut pas rester en place: on est plein de vie. Que se passe-t-il par la suite? Au fur et à mesure que vous grandissez, vos professeurs commencent à restreindre cette énergie en la canalisant, en la coulant dans certains moules. La peur bloque la compréhension intelligente de l’existence. Quand enfin vous devenez des hommes et des femmes, le peu d’énergie qui vous reste est très vite étouffé par la société. Cette société qui dit que vous devez être des citoyens comme il faut, et vous conduire d’une certaine façon. Sous l’effet de la prétendue éducation et des pressions sociales, cette énergie que vous aviez en abondance dans votre jeunesse se dissipe petit à petit. L’énergie dont vous disposez actuellement peut-elle être dynamisée par la discipline? Et quand votre capital d’énergie est modeste, la discipline peut-elle l’augmenter? Si c’est le cas, alors elle a un sens ; mais si la discipline anéantit effectivement notre énergie, il faut évidemment y renoncer. Mais quelle est cette énergie dont nous disposons tous? C’est la pensée, le sentiment, c’est l’intérêt, l’enthousiasme, l’avidité, la passion, le désir sexuel, l’ambition, la haine. Peindre des tableaux, inventer des machines, bâtir des ponts, construire des routes, cultiver des champs, faire du sport, écrire des poèmes, chanter, danser, aller au temple, pratiquer un culte telles sont les diverses formes d’expression de l’énergie, qui est aussi la source de l’illusion, du mal, de la souffrance. Ce que vous êtes dans la vie quotidienne est de la plus haute importance. Car c’est de cela, de ce que vous êtes que vous créez le monde. Les qualités les plus nobles comme les plus destructrices expriment de manière égale cette énergie humaine. Mais le processus visant à contrôler ou à discipliner cette énergie. A lui laisser libre cours dans une direction et à la restreindre dans une autre, devient une simple solution de facilité pour la société. L’esprit est façonné en fonction des codes d’une culture particulière, et c’est ainsi que peu à peu son énergie se dissipe. Notre problème est donc de savoir si cette énergie, dont nous disposons tous à un certain degré, est susceptible d’être gonflée, dynamisée, et, si elle l’est, pour quoi faire? A quoi sert l’énergie? A-t-elle pour but de faire la guerre, d’inventer des avions à réaction et d’innombrables autres machines. De suivre les pas d’un gourou, de passer des examens, d’avoir des enfants, de se tracasser sans cesse à propos de tel ou tel problème? Ou l’énergie peut-elle être utilisée autrement, de sorte que toutes nos activités aient un sens en rapport avec quelque chose qui les transcende toutes? Il semble évident que si l’esprit humain, qui est capable d’une énergie aussi stupéfiante, n’est pas à la recherche de la réalité, ou de Dieu. Alors toute forme d’expression de son énergie devient un moyen de destruction et une source de souffrance. La vie quotidienne, si elle est sans compréhension, vous poussera à passer à côté de l’amour, de la beauté, de la mort. Chercher la réalité requiert une immense énergie, et s’il n’entame pas cette quête, l’homme dilapide son énergie dans des voies qui sont