Conformisme & Révolte : Le Regard de Jiddu Krishnamurti sur la Liberté

Le conformisme est une notion largement explorée dans les sciences sociales, représentant un comportement qui s’ajuste aux attentes d’un groupe ou d’une société. Il ne s’agit pas seulement de suivre des règles extérieures, mais de s’y conformer de manière tellement naturelle que l’individu perd conscience de sa propre liberté de pensée. Être conforme, selon cette définition, implique ne pas dévier de la norme, ne pas prendre de liberté en agissant différemment de ce qui est attendu.

Mais, et si tout cela n’était que le reflet d’une prison invisible dans laquelle nous serions enfermés dès notre naissance ?

Le Conformisme : Un Conditionnement Invisible

Dès le plus jeune âge, la société commence à façonner notre esprit. À travers des injonctions parentales, sociales, culturelles et religieuses, nous sommes progressivement conditionnés à adopter un ensemble de croyances, de comportements et de valeurs. Nos parents, nos éducateurs, et plus largement la culture dans laquelle nous évoluons, nous disent ce qu’il faut croire, ce qui est vrai et ce qui est faux, ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.

Cela commence dès les premières impressions que nous recevons. Nos parents, dès notre naissance, nous imposent des croyances, que ce soit la religion, la politique ou même nos choix sociaux. Ils nous enseignent ce qui est « bien » ou « mal », et petit à petit, nous acceptons ces croyances comme des vérités absolues.

Krishnamurti nous invite à observer notre propre esprit, à prendre un moment pour regarder le mouvement de notre pensée sans jugement. Dans cette observation, il nous demande si nous sommes conscients de nos propres schémas de pensée, de nos réactions automatiques aux idées, aux émotions, ou même à la beauté du monde. Si ce n’est pas le cas, il suggère que nous passons à côté de quelque chose d’essentiel.

L’Éducation : Connaître Son Propre Esprit

Selon Krishnamurti, connaître le fonctionnement de notre esprit est l’un des objectifs essentiels de l’éducation. Il critique une éducation qui ne se concentre que sur des connaissances académiques ou la réussite dans un système de valeurs rigides, mais qui néglige la connaissance de soi.

Si vous ne comprenez pas le fonctionnement de votre propre esprit, explique Krishnamurti, vous ne pouvez réellement comprendre la société. Le conditionnement que vous subissez est celui de la société elle-même. Il n’y a pas de vous, « l’individu », distinct de la société, car votre esprit est la société. Il est façonné par les croyances, les traditions, et les schémas hérités. Il n’existe pas d’individualité libre tant que l’on n’a pas pris conscience de ce conditionnement et que l’on n’a pas décidé de s’en libérer.

La Révolte Contre le Conformisme : Au-Delà des Murs de la Prison

Le point clé de la pensée de Krishnamurti réside dans l’idée que la révolte, telle que nous la comprenons souvent, est limitée. Une révolte qui cherche seulement à améliorer les conditions de la prison – à obtenir plus de confort, de meilleures conditions de vie, ou même à réformer un système sans remettre en question les fondements de ce système – est une révolte qui reste en dehors de l’essentiel. Il la décrit comme une rébellion sans envergure, confinée à l’intérieur des schémas établis.

Pour Krishnamurti, la véritable révolte n’est pas une rébellion contre des dirigeants ou contre des institutions spécifiques. C’est une révolte contre la société elle-même, contre cette emprise invisible mais puissante qui façonne et contraint l’esprit humain dès son plus jeune âge. La véritable révolution, selon lui, consiste à rompre avec la pensée conditionnée, à se libérer des schémas de pensée imposés par la culture, la religion, ou même par la famille.

Krishnamurti explique que même lorsque des personnes se révoltent ou cherchent à changer le monde, leur révolte reste souvent imprégnée des mêmes schémas de pensée qui ont conduit à la situation actuelle. Par exemple, un réformateur peut chercher à améliorer la société en luttant contre des injustices spécifiques, mais tant que son action reste dans les limites de la structure sociale établie, il ne fait que renforcer cette structure.

La Liberté : Hors des Murs de la Prison Mentale

La véritable liberté, selon Krishnamurti, ne réside pas dans l’amélioration des conditions de vie dans la prison, mais dans la capacité à sortir de cette prison mentale. La liberté n’est pas une simple question de changement extérieur, mais de libération intérieure. Pour se libérer, il faut comprendre et voir les murs de la prison que l’esprit a érigés au fil des années. Tant que l’on reste prisonnier des schémas sociaux et culturels, il est impossible de s’échapper réellement.

L’individu conditionné, qu’il soit d’un côté ou de l’autre d’un conflit social ou politique, demeure toujours un prisonnier. Même en se rebellant, en changeant de gouvernement ou en luttant pour de nouvelles valeurs, la pensée reste liée aux anciens schémas. La révolte véritable consiste donc à se libérer de cette prison de l’esprit, à abandonner le conformisme qui nous contraint à penser et à agir selon des modèles hérités.

L’Éducation de l’Esprit : Une Pratique de Connaissance de Soi

La véritable éducation, selon Krishnamurti, n’est pas celle qui nous prépare à l’insertion dans la société telle qu’elle existe, mais celle qui nous aide à voir la société pour ce qu’elle est, et à comprendre notre propre rôle dans cette société. Cela implique une prise de conscience de notre propre pensée et de nos propres croyances.

Être véritablement conscient, c’est comprendre les mécanismes profonds qui dirigent nos actions, nos pensées et nos émotions. Cette connaissance de soi est cruciale pour toute évolution spirituelle et intellectuelle. Sans cela, l’individu ne fait que reproduire des schémas hérités, sans jamais remettre en question ce qui est considéré comme normal ou acceptable.

Krishnamurti souligne que l’observation de notre esprit, de nos pensées et de nos sentiments sans jugement est essentielle pour comprendre qui nous sommes réellement. Il s’agit de regarder notre propre esprit agir comme on regarderait un film, sans s’y impliquer émotionnellement. Cela permet d’acquérir une plus grande clarté et une plus grande liberté intérieure, car l’esprit devient plus sensible, plus vif, et plus capable de discerner la vérité.

Le Conformisme Comme Prison Mentale

Dans ses écrits, Krishnamurti conclut souvent que le conformisme est l’une des plus grandes prisons de l’esprit humain. L’esprit humain, conditionné par des siècles de traditions, de croyances, et de structures sociales rigides, reste prisonnier de ses propres pensées. Il ne voit pas qu’il peut se libérer de cette emprise. La véritable révolution, selon lui, consiste à briser cette prison mentale et à voir la vie, les relations humaines et la société sous un autre angle, un angle qui n’est pas dicté par la tradition, mais par une conscience éveillée et une connaissance véritable de soi.

En abordant la question du conformisme et de la révolte, Jiddu Krishnamurti nous pousse à repenser non seulement la société, mais aussi la manière dont nous pensons et agissons dans cette société. La véritable liberté ne réside pas dans le changement des structures extérieures, mais dans une transformation intérieure, une révolution de l’esprit qui libère l’individu de tout conditionnement extérieur. Pour lui, la révolte véritable commence dans l’observation et la connaissance de soi. Se libérer du conformisme, c’est sortir des murs invisibles de notre propre esprit.

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Jiddu Krishnamurti : livres

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